Forum diplomatique du Président de la Commission de l’Union Africaine

Forum diplomatique du Président de la Commission de l’Union Africaine

Moussa Faki MAHAMAT à l'IRIC
Moussa Faki MAHAMAT à l’IRIC

Le Président de la Commission de l’Union Africaine (UA) a donné une conférence le  vendredi 13 juillet 2018 à l’Amphi 250 de l’Institut des Relations Internationales du Cameroun sur le thème : « Réforme de l’Union Africaine et intégration continentale ». Au cours de cette importante communication, S.E Moussa Faki Mahamat a indiqué que le statut international de l’Afrique dépendra de la réussite ou de l’échec des réformes en cours à l’Union africaine.

« La réforme de l’Union africaine vise le renforcement de notre intégration continentale. C’est le moyen de positionner notre continent comme acteur crédible sur la scène internationale. Nous devons désormais parler d’égal à égal, de continent à continent », a déclaré Moussa Faki Mahamat

devant les étudiants de l’IRIC, en présence de Son Excellence Lejeune Mbella Mbella, Ministre des Relations Extérieures, du Pr Jacques Fame Ndongo, Ministre de l’Enseignement Supérieur, une dizaine d’autres membres du gouvernement, le corps diplomatique, des responsables des administrations publiques et de l’université de Yaoundé 2. Autres présences remarquées, celles du président du Parlement Panafricain, Roger Nkodo Dang, Pr Sarah Mbi Enow Anyang Agbor, Commissaire à l’Union africaine en charge des ressources humaines, de la science et de la technologie, le Pr Pierre Moukoko Mbonjo, chef de l’unité de Réformes à l’Union africaine.

Une fois de plus, l’Institut des Relations Internationales du Cameroun a déroulé son tapis rouge à un hôte de marque, au sortir de son tête-à-tête avec le chef de l’Etat dans le cadre de sa visite officielle. En l’accueillant sur le campus d’Obili, le Directeur de l’IRIC, le Dr Salomon EHETH, a d’abord indiqué que « l’IRIC, à près de cinquante ans d’existence, est progressivement devenu le centre de référence pour la production et l’acquisition des connaissances et savoir-faire dans les métiers de l’international, au service de la performance des Etats africains ». Le Directeur de l’IRIC a par la suite fait savoir que « l’IRIC est une institution multiculturelle, avec une belle atmosphère, qui reflète l’intégration africaine, digne d’une académie diplomatique continentale ». Il a enfin souligné que l’Institut dont il a la charge est « un véritable laboratoire de l’intégration africaine à travers ses enseignements et le foisonnement de différentes nationalités, différentes cultures, différentes religions ».   

Très attendue de l’assistance et modéré par le Pr Jacques Fame Ndongo Ministre de l’Enseignement Supérieur, la communication de Son Excellence Moussa Faki Mahamat sur la Réforme de l’UA a porté sur quatre points majeurs à savoir : le financement l’institution panafricaine, la sécurité en Afrique et les rapports avec le Conseil de sécurité des Nations Unies, l’intégration continentale et la renégociation des Accords de Cotonou entre l’Union européenne et les pays d’Afrique, Caraïbe, Pacifique (ACP).

Financement de l’UA

S’agissant du financement de l’institution continentale, le Président de la Commission de l’UA a indiqué que l’institution dont il a la charge dépend des subventions et des ressources extérieures à hauteur de 90%. Pour remédier à cet état de choses, l’UA va mettre en application la taxe de 0,2% sur les importations non africaine a expliqué le diplomate. A ce jour, 26 pays dont le Cameroun, ont intégré ce mécanisme de financement dans leur loi de finance ; et pourtant « sur dix ans, cette taxe pourrait permettre à l’organisation de mobiliser 1 milliard 500 millions de dollars de budget pouvant financer des projets prioritaires de l’Afrique », a affirmé le président de la Commission de l’UA. Dans sa vision, la souveraineté budgétaire de l’UA constitue « la rupture du cordon ombilical avec les puissances colonisatrices d’hier et néo colonisatrices d’aujourd’hui, aux velléités d’impérialisme jamais assouvies ».  

Sécurité et terrorisme

Cette taxe permettrait par ailleurs de financer les opérations de maintien de la paix pour les rendre « conforme à nos réalités et adapter aux menaces ». C’est ce qui justifie la tenue du forum Tana que préside l’ancien président du Ghana, Dramani Mahama. « Au sahel, en Lybie, autour du lac Tchad, au Cameroun…, la sécurité en Afrique est un enjeu de tous les instants. Comment ces hydres de la mort parviennent-ils à se mouvoir, à être financées, à s’informer, à se ravitailler ? », s’est interrogé Faki Mahamat. A ce propos, l’ex-ministre des Affaires étrangères du Tchad a laissé entendre que ce nouveau mode de financement va favoriser le dynamisme du Fonds Africain  pour la paix. Aujourd’hui constitué de 15 membres soit trois par région, le Conseil de Paix et de Sécurité de l’UA sera désormais assisté d’un Comité technique et stratégique constitué des ministres africains de la Défense ou des chefs d’état major des armées, a laissé entendre le porte parole de l’UA.  

Avec la mise en place de la Base logistique de la Force Africaine en Attente (FAA), l’on escompte un déploiement davantage offensif avec l’entrée en scène plus régulière des brigades régionales. Le chef de la Commission de l’UA peut donc formuler un plaidoyer, celui de « mutualiser nos forces pour qu’ensemble nous venions à bout de ces agents de la déstabilisation du continent », a-t-il souhaité. Mais pour y parvenir, « l’Afrique doit parler d’une seule voix », conclut-t-il.  

Intégration

S’agissant de l’intégration continentale, la Réforme passe d’abord par la répartition du travail. Il s’agit pour lui de responsabiliser et de bien faire jouer le rôle de chacun des acteurs de l’intégration à savoir les Etats, les Commissions économiques régionales (CER), les institutions spécialisées de l’UA, les agences d’exécution… De fait, il s’agit de réinstaurer les CER dans leur rôle de pilier à travers  une meilleure convergence entre les programmes et une densification du jumelage programmatique entre les CER et l’UA. « Les clés de notre indépendance dans ce monde incertain sont notre sécurité auto-assurée, nos projets intégrateurs à travers l’Agenda 2063 pour dynamiser l’interconnexion du continent et le fonctionnement de notre Organisation », a indiqué le président de la Commission de l’UA. Sur les égoïsmes nationaux, le juriste de formation a fait savoir que l’Intégration c’est aussi perdre une partie de sa souveraineté pour une organisation plus grande et respectueuse de tous.

Enfin, l’arrivée à échéances des Accord de Cotonou en 2020 donne une opportunité à l’Afrique de renégocier les termes de ce partenariat de continent à continent. En novembre 2018, à Addis-Abeba, les chefs d’Etat et de gouvernement du continent se réuniront en conférence extraordinaire pour adopter la Réforme de l’Union africaine. Si divers aspects ont connu des avancées non négligeables,  plusieurs autres attendent le consensus ou sont en cours de renégociation.

Stylos en main, blocs-notes sur la table, l’oreille attentive, cette communication de haut niveau, suivie avec un intérêt particulier par les étudiants de l’IRIC, a suscité quelques interrogations. Il s’agit notamment de la position de l’UA sur une éventuelle monnaie unique en Afrique, la démocratie et  la stratégie de sortie des crises politiques qui ternissent l’image du continent. Alternant sans difficulté le français et l’anglais, le Président de la Commission de l’UA s’est prêté au jeu de questions-réponses. Tout en dénonçant les actes qui empêchent à l’Afrique de prendre son envol, dans un style direct et franc, S.E Moussa Faki Mahamat a fait savoir en un mot que tout est une question de volonté politique. Il a par ailleurs indiqué que l’Organisation panafricaine dont il a la charge a élaboré des stratégies dans le cadre de la Réforme en cours pour mettre un terme à tous ces freins de manière concertée.   

Au sortir de cette conférence, l’assistance, admirative, s’est montrée unanime tant sur la qualité que sur la pertinence de ce « cours magistral ». Après avoir reconnu le privilège qui leur a été donné, les étudiants, affirment s’être abreuvés de la vision de paix et d’unité dont le Président de la Commission de l’UA est porteur.

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